Le télétravail sort gagnant du confinement
Comment sécuriser le dispositif et manager les salariés en situation de télétravail?
Le télétravail est fortement recommandé pendant la crise sanitaire. Dans la plupart des cas, il a été mis en place dans l’urgence durant le confinement. Maintenant que la plupart des salariés ont repris le travail au bureau, le chef d’entreprise peut se poser et réfléchir sur les modalités d’organisation et de pérennisation du télétravail, la sécurisation du dispositif, le management des salariés en situation de télétravail partiel ou total.
C’est quoi le télétravail?
Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux: au domicile du salarié, dans un espace de travail partagé… Il doit être effectué de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC).
Il est donc nécessaire d’apporter une attention particulière sur l’acceptation du télétravail par le salarié. Pour s’assurer que la volonté du salarié soit belle et bien prise en compte il est important d’encadrer la pratique du télétravail au sein de l’entreprise.
Comment mettre en place le télétravail ?
Accord collectif ou charte pour fixer les règles
Le télétravail, qu’il soit occasionnel ou régulier, peut être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, grâce à une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE).
Pour l’entreprise, le fait de mettre en place l’un ou l’autre de ces dispositifs, est un moyen de sécuriser davantage la pratique du télétravail et de poser des règles communes à tous les salariés.
Le contenu de l’accord ou la charte
Pour être réellement protecteur et adapté à l’entreprise, l’accord ou la charte doit devra préciser :
- les critères à remplir pour être éligible au télétravail. L’employeur sera amené à refuser ou à ne pas proposer le télétravail pour des salariés alors qu’il l’a accepté pour d’autres. Pour ne pas tomber sous le coup d’une violation du principe d’égalité de traitement, il est nécessaire que les critères de sélection reposent sur des éléments objectifs et soient justifiés par les conditions particulières d’exercice du travail. La précision des critères est donc importante.
- Les conditions de passage en télétravail, en particulier, en cas d’épisode de pollution. Il peut s’agir de déterminer les cas de figure où le télétravail peut être utilisé, c’est-à-dire les conditions d’éligibilité en fonction du poste occupé ou d’un événement. Il est conseillé d’intégrer les conditions d’exécution du télétravail permettant au salarié de donner un accord basé sur la manifestation d’une volonté claire et non équivoque : le lieu du télétravail, le nombre de jours télétravaillés, les équipements de travail fournis, la prise en charge des coûts liés au télétravail…
- Les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.
- Les modalités d’acceptation du salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail.
- Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail.
- La détermination des plages horaires pendant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié.
- Les modalités d’accès au télétravail des travailleurs handicapés.
Le rôle des représentants du personnel
Lorsque l’employeur établit une charte pour encadrer le télétravail, il doit l’élaborer après avis du CSE, s’il existe.
Si l’employeur décide de négocier un accord collectif sur le télétravail, il n’a pas l’obligation de soumettre le projet au CSE. Toutefois, une fois l’accord conclu, le CSE doit être consulté de manière périodique sur le télétravail étant donné que cette pratique a des incidences sur différents domaines telles que les conditions de travail, le temps de travail, l’exécution du télétravail etc…
Le télétravail d’un commun accord avec le salarié
Depuis le 30 mars 2018, il n’est plus obligatoire de mettre en place le télétravail par le biais d’un accord collectif ou d’une charte. Le salarié et l’employeur peuvent recourir au télétravail en formalisant leur accord par tout moyen (courrier, mail….). Le code du travail ne prévoit pas de mentions à faire figurer dans cet accord mais il est conseillé de reprendre les mentions exigées dans l’accord collectif et la charte.
Même s’il n’est pas obligatoire, la mise en place de l’accord ou de la charte est fortement recommandée pour fixer les règles et sécuriser la pratique du télétravail.
Comment manager le salarié en télétravail?
Le management des personnes en télétravail est similaire au management à distance. Les enjeux se focalisent autour de la performance.
L’objectif du manager devient : comment puis-je aider mes collaborateurs pour qu’ils réussissent leur objectif ?
Deux ingrédients sont nécessaires pour que salarié et le dirigeant/manager soient sur la même posture: la confiance du manager/dirigeant et l’autonomie des salariés.
Le préalable à étudier
Le préalable à tout cela est de s’assurer que les éléments techniques (téléphone, ordinateur et disponibilité des outils liés aux métiers…) sont opérationnels. Les freins à la performance peuvent être multiples:
- la pratique d’autres activités pendant la journée ;
- l’organisation de la vie familiale ;
- la promiscuité sachant que 43% des salariés ne peuvent s’isoler seuls dans une pièce.
Veiller aux bonnes conditions de travail fait aussi partie des missions du manager. En effet, questionner sur l’environnement, se soucier de la faisabilité du télétravail du salarié et son envie sont des éléments clés de la bonne marche du télétravail.
La distance questionne la cohésion et le lien social
Le télétravail bouscule le manager dans ses fonctions classiques en tant qu’animateur notamment: créer des temps en début de semaine sur les priorités et faire un point individualisé ou en groupe de l’avancement des chantiers en fin de semaine paraît essentiel.
Questionner sur les raisons du retard ou de l’avancée, favoriser les échanges entre collaborateurs sur les clés de réussite, interroger sur les axes d’amélioration, faire émerger des solutions innovantes devient le quotidien de l’animateur. Si ce changement de posture peut inquiéter le manager, il peut aussi interpeller les salariés. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de bien accompagner les uns et les autres sur les attendus du télétravail.
Réinventer les règles du quotidien
C’est donc l’opportunité de réinventer les règles du quotidien:
- Qu’est ce qui est incontournable ?
- Où se situent les tolérances ?
- Comment chacun perçoit sa mission dans la nouvelle organisation ?
- Qu’est ce qui devient indispensable et futile ?
L’idée étant de co-construire une nouvelle façon d’être ensemble et où chacun s’y retrouve. La montée en compétence s’appuie sur la confiance mutuelle. Claude Onesta, ancien entraîneur de l’équipe de France de handball, dit à propos de la confiance:
« S’il n’y a pas de confiance en l’autre, en la justice, dans la règle, il n’y a pas de collaboration, pas de cohésion, il n’y a pas d’action collective possible. La confiance, c’est ce qui fait que chacun va pouvoir s’engager, se montrer, agir, sans être inquiet de l’attitude des autres, sans avoir peur de se mettre à nu, sans craindre que l’autre en profite… »
Le manager doit donc s’appuyer sur l’autre, ses compétences d’équité et de rappeler le cadre dans lequel ses collaborateurs doivent évoluer: favoriser l’action collective et individuelle pour arriver aux objectifs qui ont été fixés et tirer un apprentissage concret individuel et collectif de chaque mission menée. Pour trouver cette équilibre subtile, il serait intéressant de questionner les managers /dirigeant sur ce qu’ils attendent des relations interpersonnelles au sein de leur équilibre.
Trouver les bons curseurs
Pour le manager, la difficulté est de trouver la juste posture de proximité qui peut varier selon le niveau d’expertises du collaborateur, selon le contexte d’activité. Par exemple il s’agira d’accompagner Charles sur telle ou telle activité alors que sur une autre il sera totalement autonome. Il s’agira aussi selon les enjeux de l’activité de suivre telle ou telle partie d’activité pour être dans les délais et être soutien / force de solution pour faire avancer les dossiers à enjeux. C’est ce que l’on nomme le partage des responsabilités.
Pour les salariés la difficulté est de comprendre ce que l’on attend d’eux et d’être proactif dans la relation. Ne dit-on pas loin des yeux loin du cœur ? Le télétravail engage le salarié dans plus d’autonomie (la liberté dans le cadre) mais pas d’indépendance (faire ce que l’on veut quand on veut). Le danger est que ce dernier s’éloigne de l’entreprise, s’implique moins et participe moins. D’où cette nécessité de garder le contact…
Créer les temps forts: le rôle de l’animateur
Le lancement de la journée, les points hebdo en début et fin de semaine, les temps conviviaux comme la pause de 10h et les échanges individualisés formels et informels, les temps de présence obligatoires au sein de l’entreprise sont autant d’éléments qui vont créer la cohésion d’équipe, faire sentir que le groupe est une équipe. Cela nécessite donc de l’habileté et de l’agilité en tant que manager en passant d’une posture à une autre. Le manager devient l’animateur au sens noble du terme. Il ne doute pas de la capacité de son collaborateur et n’a donc pas besoin de “surveiller son travail” mais donne le double check de validation qui va venir conforter le collaborateur lorsqu’il le souhaite. Le manager est présent lors des points “étape” établit au préalable pour indiquer le retard, l’avancé, mobiliser, recentrer sur les priorités si nécessaire: sa fonction est de faire émerger la prise de décision impliquant les collaborateurs.
Savoir détecter ou anticiper les difficultés humaines
La capacité d’écoute et de détecter les signaux faibles de démotivation seront des compétences recherchées et appréciées pour un manager/ dirigeant.
Irritation, perte de sens, négativisme, individualisme, confrontation démesurée ou inappropriée sont autant de symptôme auxquels un manager peut être attentif. Tous ces signes doivent l’alerter sur le fait qu’il est temps d’agir de prendre la personne à part et d’échanger sur ses inconforts, d’y remédier au mieux en identifiant et définissant les objectifs prioritaires communs. Ne laissez pas s’installer ces signaux comme étant “ normal.” C’est la crédibilité de manager qui sera remise en question. L’enjeu à moyen terme, au-delà de cette légitimité, serait la perte de la cohésion d’équipe, la résistance aux futurs changements, l’animosité et ou perte du leadership.
Des outils peuvent aider le manager à détecter ces signes tels que la Process communication, l’apprentissage de l’écoute positive, la capacité de dire les choses… les attendus en terme de savoir être sont plus importants encore lors du télétravail. Là où la proximité suffisait, l’attention active à l’autre devient la norme. Les managers peuvent se sentir dépasser c’est un nouveau métier qui s’ouvre à eux. Connaître les forces et limites de chaque manager et accompagner ceux en difficultés dans ce domaine sera aussi un axe de vigilance pour l’entreprise qui souhaite développer sur le long terme le télétravail.
De nouvelles perspectives
Le télétravail offre de nouvelles perspectives formidables pour l’entreprise et les salariés qui la composent. Il pose aussi des questions fondamentales en management et vient bousculer les habitudes quotidiennes : si cela nécessite de part et d’autre beaucoup de communication sur les attendus de ces nouvelles organisations, le télétravail fait aussi émerger d’autres questionnements :
- Quid de tous ces métiers qui ne pourront jamais envisager le télétravail ?
- Comment faire coexister les différentes organisations au sein d’une même entreprise ? Est-ce que si je limite le télétravail au sein de mon entreprise cela fera fuir les talents ?
Le débat est ouvert…
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